Un nuage rien qu'à soi
☙ Posté le 10-12-2025
| ⏱ 29 minutes
| ✔ 6009 mots
✎ Christophe Masutti
Face aux services privateurs des GAFAM1, on recherche l’autonomie technologique. Mais à quel prix ? Toute transition se doit d’être abordée concrètement. C’est pourquoi je parlerai ici du stockage de fichiers, dans une démarche progressive. Les organisations du collectif CHATONS sont un phare dans la nuit, mais pour celleux qui, comme moi, ont besoin d’espace et de maîtrise logicielle sans l’effort d’une administration système complète, je détaille la solution d’une instance Nextcloud dédiée chez un hébergeur (Hetzner), couplée à un nom de domaine personnel. C’est, à mon sens, une belle façon d’assurer un contrôle sur nos données familiales ou associatives.
Autour de moi, tenace, s’élève le chant que nous autres libristes ne cessons de porter depuis des années : celui de l’autonomie technologique, et du refus obstiné de demeurer captifs des services des GAFAM et consorts. Je suis loin d’être le seul à le ressentir en ce moment. La campagne récente du grand Démailnagement est un témoin significatif de l’air du temps.
Toujours est-il qu’il est à la fois attendrissant et inquiétant de voir se tourner vers soi des regards plein d’espoirs qui disent : « je voudrais bien avoir mon espace à moi, mais je ne sais pas comment faire ni par quoi commencer, peux-tu m’aider ? ». C’est attendrissant parce que, à ces instants, s’ouvrent des friches qu’on s’empresse (mais avec délicatesse, attention !) de remplir de valeurs libristes et de communs numériques. C’est inquiétant parce que cela implique une certaine responsabilité dans la manœuvre. Des concepts mal expliqués, des pratiques mal comprises, des besoins mal exprimés et vous voilà embarqué·e dans des situations inextricables. Vous pouvez même perdre des ami·es.
C’est pourquoi le titre de ce billet est trompeur. Comme vous allez le voir, le nuage que je vous encourage à acquérir n’est pas tout à fait « rien qu’à » vous, même avec un nom de domaine. Mais je pense ainsi vous aider à franchir une première étape vers l’autonomie, surtout lorsqu’on n’a ni le temps ni l’envie de s’improviser administrateur système.
Par quel bout commencer ?
On va prendre celui du stockage de fichiers, mais… il y a plein d’autres bouts. Par exemple vous pourriez commencer par migrer votre messagerie, vous pourriez aussi commencer par changer de médias sociaux, vous pourriez aussi ouvrir votre blog avec un service éthique, etc. Tous ces bouts des ficelles du web libre sont beaucoup plus faciles à appréhender que vous le pensez, mais à condition de savoir où mettre les pieds.
En premier lieu, il y a les organisations d’un collectif nommé CHATONS, le Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Neutres et Solidaires. Vous pouvez y trouver des organisations qui vous permettront de vous libérer entièrement des services des GAFAM. Je prendrai deux exemples de ces gentils Chatons : Zaclys et Sans-Nuage.
Avec un compte chez Zaclys ou Sans-Nuage, pour une somme modique (comprenant aussi l’adhésion car vous faites partie de l’asso !) vous pouvez obtenir l’essentiel à titre individuel, une boîte mail, divers services utiles et un hébergement Nextcloud. Vous pouvez aussi avoir un pack pour tout un groupe d’utilisateurs, votre famille ou une communauté plus large.
Toute la difficulté consiste à estimer vos besoins. J’ai rencontré plusieurs cas où il m’a été assez difficile de comprendre à chaque fois le besoin exact et surtout expliquer leurs enjeux.
Par exemple cette mère de famille convaincue qu’il fallait dégager Google de sa vie : oui, mais quel est le prix à payer ? Il y a d’abord le fait d’accepter que des services comme l’hébergement de fichiers ou le courrier électronique sont des services difficiles à mettre en œuvre et à maintenir sur la durée, nécessitant des ressources humaines et matérielles non négligeables. Si des entreprises comme Google offrent cela gratuitement en échange d’un pacte diabolique, ce ne peut pas être le cas d’un gentil Chaton qui doit faire face à des coûts d’infrastructure incompressibles (même s’il y a des exceptions comme Framasoft). Et si le paiement d’une somme modique n’est pas un problème (il peut l’être), qu’est-ce qu’implique exactement le fait de changer d’adresse courriel lorsqu’on a utilisé pendant dix ans son adresse @gmail pour régler ses factures, comme contact bancaire ou pour ses amis ? Quant à déménager ses photos de GDrive pour les mettre sur un hébergement Nextcloud, cela implique de synchroniser différemment avec son téléphone portable et son ordinateur, pas toujours simple.
Et ce « bon père de famille » qui voulait que toute sa famille passe quasiment du jour au lendemain chez Zaclys, on en parle ? Je vous laisse imaginer les difficultés auxquelles il du faire face entre la migration administrative et les deux ados…
Donc, oui, ça se prépare. On ne tire pas sur tous les bouts en une seule fois, sinon, ça fait des nœuds.
Pour des organisations déjà versées dans le domaine numérique comme Framasoft, cela prend un an au bas mot, pour effectuer une migration complète. D’autres associations font des retours d’expérience dans le livre Resolu. Pour des entreprises, idem, il faut planifier et les enjeux peuvent être insurmontables. Il n’y a donc aucune raison de ne pas préparer cela pour soi-même, sa famille ou son asso.
J’estime pour ma part qu’une migration de courrier électronique individuelle peut prendre jusqu’à un an avant de décider une fois pour toute de fermer définitivement le compte initial, pour que le transfert des adresses n’oublie personne ou que l’on pense bien à toutes ses correspondances. Pour le stockage de fichiers, c’est beaucoup plus rapide, évidemment, puisqu’on part généralement sur la base d’un compte individuel. En revanche la solution Nextcloud dont je parlerai plus tard peut impliquer plusieurs personnes. C’est l’effet inverse. Une fois que vous ouvrez votre espace de stockage à des membres de votre famille ou à des amis, une migration ne s’effectue plus à la légère.
Exemple : une affaire de nom de domaine
Parlons rapidement du courrier électronique. Google nous a habitué a avoir des adresses du genre michelle.morizeau@gmail.com. Tous les utilisateur·ices de smartphone Android se doivent d’avoir une telle adresse, même si ce n’est pas avec cette adresse qu’iels communiquent habituellement. Cela n’est pas anodin : le problème n’est pas tant dans le choix du fournisseur que dans celui du nom de domaine qui est ainsi imposé au nom de la gratuité.
Avoir un nom de domaine à soi, ce n’est pas uniquement réservé à un site web. C’est utile pour plein de choses. Et si notre amie Michelle Morizeau avait, pour moins de 10€ par an, un nom de domaine du genre morizeau.fr ? Passons les détails techniques : avec un nom de domaine il est très simple (vraiment !) de faire en sorte de faire pointer tout ce qui ressemble à xxx@morizeau.fr vers l’adresse courriel de son choix (et répondre avec l’adresse du nom de domaine).
En d’autres termes, Michelle Morizeau n’a, dans l’absolu, pas vraiment besoin de changer de fournisseur de courrier électronique : elle peut continuer à utiliser les services de Google, tout en diffusant une adresse avec son nom de domaine. Plus tard, elle pourra alors changer de fournisseur autant qu’elle veut pourvu qu’elle puisse configurer la réception et l’envoi de courriel avec les serveurs des fournisseurs prenant en charge des noms de domaine externes (oui, car il faut encore que l’hébergeur de courrier électronique le veuille bien : c’est un service et il est souvent compris dans les offres payantes).
Cela étant dit, la question du nom de domaine n’est pas si extravagante : un nom de domaine ne vous permet pas seulement de personnaliser votre adresse (web ou courriel), il permet d’avoir une fois pour toute une adresse à votre nom et votre goût, quel que soit le fournisseur du service. C’est déjà un premier pas vers une forme d’autonomie.
Surmonter ses craintes
C’est souvent parce qu’on a peur de grimper l’Himalaya en tongs (pour reprendre la métaphore d’un certain Pyg — je viens d’apprendre que c’est aussi un film) qu’on remet toujours à plus tard une telle migration. D’un côté, il peut paraître particulièrement laborieux non seulement de trouver le bon service d’hébergement mais en plus de changer ses habitudes pour un système qui apparaît plus complexe.
Les plus geeks ont une petite part de responsabilité, surtout lorsqu’ils intitulent leurs articles de blog avec des expressions du genre : « il n’a jamais été aussi facile d’héberger son serveur cloud ». Il suffit de dérouler un peu les articles en question pour voir apparaître des instructions qui ne s’adressent clairement pas à n’importe qui : installez une distribution Linux, installez ceci avec Docker, connectez-vous en ssh, configurer un cron, éditez le fichier de configuration en yaml, etc.
Ce genre d’activité relève d’un métier, celui de l’administrateur système. Même s’il est effectivement à la portée d’un utilisateur pugnace d’héberger son propre serveur (son instance) Nextcloud. Et même si il est vrai qu’avec un peu de connaissances, de patience et de logique, cette activité s’est largement « démocratisée », il faut tout de même reconnaître que l’auto-hébergement nécessite aussi de l’autoformation. Une situation extrêmement enrichissante mais chronophage.
Il y a trois types de services de stockage de fichiers.
- Les services payants ou gratuits chez un fournisseur de service. Là, tout l’enjeu consiste à évaluer ce fournisseur et le degré de confiance que vous pouvez avoir en lui. Il faut ensuite évaluer l’adéquation du service avec vos besoins. Si vous souhaitez stocker des fichiers sensibles (vos fiches de paie, des scans de vos pièces d’identité), il vaut mieux se tourner vers un « coffre-fort numérique », un service parfois ouvert auprès de votre banque, par exemple. Si vous souhaitez stocker des données moins sensibles, posez-vous la question de savoir à quoi l’hébergeur peut avoir accès et la manière dont il peut s’en servir. Dans les deux cas, il clair que vous ne pouvez pas faire confiance en un service gratuit qui lit vos données et a un usage déloyal de vos informations. Posez-vous enfin la question de la quantité de stockage nécessaire selon que votre besoin est individuel, familial ou encore pour un groupe plus étendu.
- L’auto-hébergement. Comme je l’ai écrit plus haut, c’est une activité qui nécessite des compétences techniques (même si l’excellent Yunohost a largement simplifié les choses). Il y a deux types d’auto-hébergement : soit vous avez un ordinateur (un serveur) chez vous derrière votre accès internet, soit vous avez loué un serveur (type VPS) chez un hébergeur de serveurs. Dans les deux cas, la plupart du temps vous installerez un système d’exploitation et des logiciels, dont Nextcloud qui est sans doute aujourd’hui la solution open source la plus répandue dans le domaine (quoi qu’on peut très bien se contenter d’un stockage en SFTP). Si vous louez un serveur, vous laissez un tiers s’occuper de l’infrastructure de votre système, charge à vous de maintenir toute la partie logicielle, les mises à jour, la sécurité, les sauvegardes, etc.
- Une solution intermédiaire consiste à louer un espace de serveur complètement dédié à une instance Nextcloud dont vous avez la charge de l’administration. C’est de cette solution dont je vais parler plus loin.
Vous avez compris que pour surmonter ses craintes, il faut simplement savoir s’orienter. Changer de GDrive à DropBox ou MSOne nous vous apportera strictement aucun avantage parce que ces services ont à peu près le même modèle économique. En revanche, si vous avez besoin de plus d’espace d’hébergement et que vous souhaitez renouer une chaîne de confiance entre vous et l’hébergeur, orientez-vous vers l’un des Chatons. Si vous souhaitez garder la maîtrise logicielle sans avoir à gérer l’infrastructure technique, c’est vers un professionnel de fermes de serveur qu’il faut vous tourner. Dans tous les cas, c’est-à-dire en dehors d’un auto-hébergement intégral, sachez que la sécurité de vos données seront dépendantes d’un tiers.
L’autre crainte que vous pourriez avoir, c’est le changement de pratiques. Vous êtes habitué·e à synchroniser vos fichiers entre votre ordinateur, votre mobile et un serveur : ce principe ne changera pas. Ce qui change avec Nextcloud, c’est le logiciel qui permet la synchronisation sur votre dispositif, et aussi les logiciels qui équipent Nextcloud. Chez les hébergeurs qui proposent une offre Nextcloud toute faite, le choix des logiciels disponibles est fait le plus souvent à votre place. Il y a d’abord le coeur de Nextcloud, c’est-à-dire le stockage de fichiers et la navigation, mais il y a aussi d’autres logiciels (présents dans un app store) dont vous pouvez bénéficier comme la gestion des contact, un agenda, parfois même un traitement de texte en ligne (pas toujours car cela nécessite beaucoup de ressources). Ou encore des logiciels plus « gadgets » comme l’édition et le partage de livre de recettes de cuisine, le partage de fichier GPX pour vos randonnées, etc. Il y en a plein. Pour en bénéficier, tout dépend de vos droits et des choix de l’hébergeur.
Pour résumer cette partie, on peut dire que par comparaison avec les services des GAFAM, la solution la plus courante consiste à passer à un hébergement basé sur Nextcloud. La synchronisation des fichiers reste toujours sur les mêmes principes fondamentaux. En revanche, vous allez changer complètement d’écosystème : les outils à votre disposition vont changer, mais c’est aussi le moment de faire des choix : par exemple savoir ce qui vous retient à ce point chez Google ? Rien n ‘empêche à ce que vous conserviez un compte Google tout en hébergeant vos fichiers ailleurs.
Objectifs
Stocker ses fichier en ligne, c’est bien, mais quels sont vos priorités ? En voici une liste :
- Sauvegarder ses fichiers : il faudra bien évaluer la sécurité. Par sécurité on entend à la fois le risque de perte ou de vol de données, mais aussi leur intégrité. Quoiqu’il en soit : choisissez bien ce que vous mettez sur l’ordinateur de quelqu’un d’autre. Il n’est peut-être pas nécessaire de stocker vos documents confidentiels (santé, banque, identités…) si vous n’avez pas de contrat qui vous assure qu’ils sont bien en sécurité (il existe des services pour cela).
- Synchroniser : par exemple, prendre vos photos avec votre smartphone et les retrouver sur votre PC tout en les ayant sauvegardé dans l’espace cloud. Ou encore commencer à prendre des notes avec votre tablette, et continuer sur votre PC, etc.
- Partager : partager vos fichiers avec des correspondants, éventuellement travailler dessus de manière collaborative.
Ensuite, quelle est votre cible ? Souhaitez-vous un espace individuel, votre nuage à vous seul, ou bien souhaitez-vous un espace ouvert pour les membres de votre famille ou plus largement vos amis ? Si votre usage a une ambition collective, il faut trouver un hébergeur qui permette d’avoir la main sur la gestion des comptes, avec un espace disponible conséquent (en tout cas plus large que les 10 ou 15 Go proposés habituellement).
Ne commettez pas l’erreur si souvent rencontrée d’ouvrir un compte et distribuer le même accès à plusieurs personnes : vous enfreindriez toutes les règles de sécurité et de bonnes pratiques.
Le tableau ci-dessous vous donne une idée du rapport entre les usages et les solutions proposées. Ce n’ est pas un benchmarking, je ne cite aucun Chaton en particulier et ce n' est qu’une indication d’usages possibles.
| Usage | Hébergeur | Dispositif | Espace | Maintenance |
|---|---|---|---|---|
| Individuel | Un Chaton | Un compte Nextcloud sur serveur mutualisé | Généralement quelques Go (négociables) associés avec plusieurs autres services (mail, chat, visio, suite collaborative…) | Par le Chaton |
| Famille | Un Chaton | Ouvrir plusieurs comptes individuels Nextcloud | Idem | Par le Chaton |
| Famille / asso / groupes | Un Chaton | Une instance Nextcloud pré-configurée, limitée en termes de nombre de comptes | Quelques Go + divers services choisis pour vous sur ce Nextcloud | Par le Chaton (mais vous gérez les comptes) |
| Famille / asso / groupes / individu | Un Chaton | Un serveur privé virtuel | Assez large | L’infrastructure est maintenue par le Chaton, mais vous êtes administrateur. Compétences techniques souhaitées. |
| Famille / groupe / petite asso | Un hébergeur de serveurs | Une instance Nextcloud | Assez large | Vous gérez la totalité de l’instance préconfigurée et maintenue pour vous, les sauvegardes sont assurées par l’hébergeur. Pas d’autres services à part Nextcloud et ses logiciels. |
Pour être complet, on peut ajouter à cela les offres de la part d’hébergeurs plus professionnels et qu’on peut qualifier de plus éthiques que les GAFAM. J’en citerai trois : Proton, Infomaniak et Mailo. Dans les trois cas, outre des adresses courriels et une suite de services, vous pouvez choisir des hébergements individuels gratuit ou collectifs payants présentant beaucoup d’avantages, y compris avec des noms de domaines. Mieux que des Chatons ? non : ces services commerciaux ne cherchent pas vraiment à créer un commun numérique dans lequel vous puissiez vous sentir chez vous, mais comparés aux GAFAM, ce sont les moins mauvais des choix compte-tenu des valeurs affichées.
Le tuto : un espace familial chez Hetzner (et un NDD)
En préambule à ce tutoriel, quelques explications.
Je vais expliquer ici la méthode pour obtenir un espace Nextcloud d’environ 1 To, avec un nom de domaine. J’estime cet usage réservé en premier lieu à un usage familial ou pour groupes restreints du genre petite asso. J’expliquerai ensuite comment s’en servir.
- Cette offre chez Hetzner est assez rare pour être étudiée de près.
- Elle ne nécessite pas de compétences techniques évoluées (clés en main).
- Elle permet de profiter de (presque) tout le potentiel de Nextcloud.
- Elle ne permet pas vraiment le travail collaboratif avec une suite bureautique en ligne (c’est toutefois possible mais complexe, et il vaut mieux alors prendre un serveur privé).
- Vous pouvez gérer les comptes, les quantités d’espace alloués à chaque compte, et les logiciels disponibles.
- Nous verrons la « petite » offre, mais il existe deux autres offres, plus chères, pour un usage dédié à de plus nombreux comptes avec beaucoup d’espace.
Concernant le nom de domaine, vous pourriez vous demander pourquoi je préconise d’en prendre un. D’abord pour la raison évoquée ci-dessus : que ce soit pour le courriel, un site web ou autre chose, un nom de domaine est pratique pour ne pas dépendre d’un seul fournisseur tout faisant en sorte que vos migrations soient transparentes pour vos correspondants. Pour un espace de stockage de fichier, cela permet aussi d’avoir un espace nommé à votre convenance et pas une adresse indigeste du genre https://nx321654455.your-storageshare.de. La clé est d’utiliser les sous-domaines à bon escient.
Pour héberger un nom de domaine, j’ai personnellement choisi Infomaniak. Ce n’est pas de la pub gratuite : le tableau de bord pour la gestion est assez compréhensible et pratique, ça fonctionne bien, c’est pas cher, et en plus du nom de domaine vous pouvez aussi bénéficier d’un espace mail et d’une suite collaborative (et c’est en Suisse…). Vous pouvez aussi bien prendre un nom de domaine ailleurs, les principes restent les mêmes.
Le budget :
- entre 5 et 20 € par an pour le nom de domaine (selon vos choix, il y a plus cher)
- moins de 6€ par mois pour l’instance (1 To)
- donc un peu moins de 100€ par an.
Non, ce n’est pas gratuit. Mais il faut comparer cette offre avec les autres offres disponibles et aussi selon vos objectifs et vos exigences. Par contre, on peut dire que ce n’est pas onéreux non plus. Par exemple, c’est peut-être quelque chose de plus utile que votre troisième abonnement de streaming vidéo… Mieux encore : comparez ce prix (et aussi celui des Chatons pour les offres mentionnées ci-dessus) avec par exemple les offres Google One dont le degré de confiance est quasi nul : à quel prix estimez-vous la confidentialité de vos données ?
On y va ? (pour la suite, notez soigneusement vos logins et mots de passe, il y a des logiciels pour cela).
On commence par le nom de domaine
Pour ouvrir un nom de domaine, il vous faut trouver un registar, c ‘est-à-dire un tiers (généralement une entreprise) qui va enregistrer pour vous un domaine dans un grand registre. C’est avec ces grands registres que le système DNS permet d’associer un nom (de domaine) et une adresse IP.
Il y plusieurs grands registres. Par exemple l’ICANN s’occupe des .com ou .net, l’AFNIC s’occupe des .fr, EURid s’occupe des .eu, etc. On appelle cela les premiers niveaux de domaines, et il y en a plein (voir cette liste), et chacun a une raison d’être. D’abord les pays (.fr, .de, .uk .wf…), mais aussi les raisons sociales : .com généralement pour le commerce, .orgpour les organisations à but non lucratif, .edupour l’éducation etc. Il n’y a pas toujours d’obligation à respecter cette nomenclature. On peut faire des jeux de mot, par exemple mangetasala.de. J’ai personnellement choisi le .name, assez peu utilisé et pourtant bien réservé aux sites internet personnels (voir ici). J’arrête-là les détails.
La première chose à faire lorsqu’on veut réserver un nom de domaine, c’est de vérifier qu’il n’existe pas déjà (ou alors le racheter, mais c’est une autre histoire). Généralement, les registar commencent par là : une barre de recherche qui vous permet d’entrer le nom de domaine que vous désirez pour savoir si vous pouvez le réserver.
Sachez tout de même que les prix des noms de domaines ne sont pas tous les mêmes, renseignez vous sur les tarifs à l’achat lors de la première réservation et lors du renouvellement. À l’heure où j’écris ces lignes, chez Infomaniak le .fr vaut 5,10 € lors de la première réservation et 7,00 € pour le renouvellement, tandis que le .rich est à plus de 2 500,00 € (normal !).
Une fois que vous vous êtes inscrit·e, et que vous avez payé, vous voici l’heureu·se propriétaire d’un nom de domaine dupont.name. Les registar ont tous un tableau de bord où vous pouvez gérer ce qu’on appelle les enregistrements DNS de votre domaine, c’est-à-dire les « renvois » (pardon pour les spécialistes) de votre domaine vers d’autres adresses. C’est là, par exemple que vous pouvez configurer le fameux MX qui permet de rediriger tous les courriel envoyés vers xxx@dupont.name vers un un serveur de messagerie. De la même manière nous verrons plus loin comment rediriger nuage.dupont.namevers notre Nextcloud hébergé chez Hetzner.
Nous y reviendrons plus tard. Passons à la suite.
Ouvrir son instance Nextcloud
L’entreprise Hetzner (qui fourni aussi des noms de domaine) est une entreprise spécialisée dans la gestion de centre de données. L’entreprise est basée en Bavière, à Gunzenhausen, et ses centres sont, pour l’essentiel, situés à Nuremberg, Falkenstein et Tuusula. Notez qu’elle dépend de la législation allemande (et Européenne) et c’est sous ce régime juridique que sera placé votre serveur.
L’offre qui nous intéresse ici se nomme Storage Share, c’est une mutualisation de serveurs qui permet d’ouvrir et de louer des instances Nextcloud à la demande. Il y a trois tailles, à des prix différents : une petite instance (1 To), une moyenne (5 To), une grosse (10 To).
Notez que l’interface est en anglais (ou en allemand), mais nul besoin d’être bilingue pour procéder. Commencez par vous ouvrir un compte et achetez votre petite instance.
Le Magazine NextInpact avait déjà réalisé en 2022 un test pas à pas pour l’ouverture d’une instance Nextcloud chez Hetzner. Vous pouvez vous y reporter (voici une URL de l’Internet Archive au cas où la page disparaîtrait).
Lors de votre commande, il va falloir être attentif à configurer le login et le mot de passe de l’administrateur (vous !) de l’instance. Notez-les bien.
Vous voilà maintenant l’heureu·se propriétaire d’une instance Nextcloud, généralement nommée NX<numeros>.your-storage-share.de. Copiez-coller cette adresse dans votre navigateur et, avec vos login et mot de passe administrateur, connectez-vous à cette instance. Vous y êtes.
Question d’adresse
L’adresse NX<numeros>.your-storage-share.de est tout sauf sexy, n’est-ce pas ? On va changer cela.
Reconnectez-vous sur le tableau de bord de votre registar de nom de domaine. Entre-temps, choisissez un nom de sous-domaine qui vous plaît. Ici nous allons choisir nuage pour former nuage.dupont.name.
Depuis le tableau de bord, trouvez une fonction qui peut ressembler à « créez un nouvel enregistrement DNS », ou bien, dans la section DNS « Ajoutez un enregistrement », ou quelque chose d’approchant.
Il vous faudra renseigner trois choses.
- Type :
CNAME. C’est le type d’enregistrement dont nous avons besoin : canonical name. Enregistrement de nom canonique : il permet de dire qu’un nom de domaine est un alias pour un autre. En gros, si j’écris ce nom de domaine dans mon navigateur, c’est « comme si » j’allais vers un autre nom. - Source :
nuage.dupont.name. On va choisir ici un sous-domaine (il n’est pas question de dire que tout le domainedupont.nameva être un alias, seulementnuage.) - Valeur :
NX<numeros>.your-storage-share.de. Là c’est l’adresse de votre instance Nextcloud chez Hetzner.
C’est bon ? ok, nous avons donc créé un alias qui renvoie vers une adresse. Mais… si on se contente de cela, lorsqu’on entrera nuage.dupont.name dans la barre d’adresse, on tombera sur NX<numeros>.your-storage-share.de. De même si je veux synchroniser depuis mon mobile, nuage.dupont.name ne suffira pas puisqu’il ne s’agit que d’orienter vers, pas d’opérer sur. Conclusion : il faut aussi dire au serveur de chez Hetzner que notre sous domaine est bien l’adresse de base qui va nous servir pour tous les usages possibles de notre instance Nextcloud.
Retour sur le tableau de bord de votre compte Storage share chez Hetzner. Autrement nommé KonsoleH. Colonne de gauche, cliquez sur subdomains. Et là, tout simplement vous ajoutez l’adresse nuage.dupont.name (qui pointe en CNAME vers votre instance). Pour information, « hinzufügen » signifie « ajouter » en allemand.
Vous avez le droit d’ajouter jusque trois sous-domaine dans ce genre.
Voilà. Maintenant, lorsque vous entrez dans le navigateur l’adresse nuage.dupont.name, vous tomberez sur votre instance et vous pourrez partager des fichiers avec pour racine d’adresse celle qui commence par nuage.dupont.name.
On fait quoi maintenant ?
Déjà, vous pouvez vous servir de l’interface web de votre instance. Si vous n’avez jamais utilisé Nextcloud, les principes ne sont pas si différent des autres interfaces de stockage de fichier. Comme on dit dans ces cas-là : RTFM (le manuel Nextcloud en français).
Je ne vais pas vous laisser comme ça.
En aparté, n’oubliez jamais que Hetzner se charge de trois choses à votre place :
- la gestion de l’infrastructure serveur
- la sauvegarde quotidienne de toute votre instance (vous pouvez récupérer les données de votre instance en les restaurant depuis l’interface Hetzner)
- la mise à jour de votre instance Nextcloud (c’est-à-dire la version du Nextcloud qui est employé), mais pas la mise à jour des logiciels que vous installez sur l’instance depuis le store Nextcloud. Cela, c’est à vous de le faire régulièrement en vous connectant sur le compte d’administration de votre instance. Il faut le faire avec rigueur quand que vous recevez une notification de mise à jour, surtout si vos invités synchronisent des données avec les logiciels en question et que vous ne voulez pas recevoir de plaintes de leur part !
Vous avez noté que vous n’avez pour l’instant qu’un compte administrateur. Tout se passe en haut à droite de l’interface Nextcloud :
- Paramètres personnels : allez-y, remplissez, ajoutez aussi une seconde adresse courriel, on ne sait jamais.
- Paramètres administration : ce qui vous permet d’administrer toute l’instance. Faites un tour, c’est instructif.
- Applications : là vous pourrez ajouter / supprimer des applications de votre instance (il y a tout un catalogue).
- Comptes : la gestion des comptes de vos invités. Personnellement j’ai choisi d’avoir deux comptes : un compte réservé à l’administration et un compte avec lequel j’opère quotidiennement.
À propos de la sécurité, il faut garder en tête :
- Authentification à deux facteurs : il s’agit soit de l’imposer à vos invités soit de les laisser choisir de l’activer ou non. Je préfère l’imposer. Mais , dans ce cas, n’oubliez pas lorsqu’on utilise l’instance pour synchroniser quelque chose, il faudra ouvrir un jeton d’accès spécifique pour que le client qui synchronise puisse se connecter (c’est mentionné à de multiples reprises dans l’interface Nextcloud). Pour le 2FA, sur mon mobile, j’utilise le logiciel AEGIS authenticator.
- Chiffrement côté serveur : vous pouvez choisir de l’activer avec un module de chiffrement. Sachez cependant que cela affecte les performances de votre instance et que si, pour X raisons vous avez besoin de le désactiver, la seule manière est de lancer un script de déchiffrement, avec un risque de perte de données. Personnellement, j’ai fait le choix de ne pas l’activer, rassurez-vous, votre instance est déjà bien protégée. Par contre si vous stockez des informations sensibles, à vous de voir…
Synchronisations
Première synchronisation avec votre PC :
- Rendez-vous ici pour télécharger l’application de bureau (client) pour synchroniser. Pour les utilisateurs de Linux, vous pouvez aussi utiliser l’application
nextcloud-desktopsi elle est présente dans votre magasin d’applications. - Personnellement j’aime bien circonscrire ma synchronisation dans un dossier spécifique : je crée un dossier qui ne servira qu’à la synchronisation.
- Pour configurer le client, l’ajout de compte se fait en ajoutant le nom de l’instance, dans notre cas :
https://nuage.dupont.name. Et suivez les instructions.
Première synchronisation avec votre mobile (ou votre tablette) sous Android :
- Téléchargez et installez (depuis le Play Store ou depuis F-Droid) l’application client Nextcloud
- Suivez les instructions similaires aux précédentes.
- Vous pourrez naviguer dans vos fichiers, et les synchroniser au besoin. Pour les Photos, un dossier
/Photosest déjà pré-conçu, vous pourrez choisir d’uploader systématiquement vos photos dedans (ou pas).
Applications
Voyez-vous, c’est assez simple. Mais Nextcloud, c’est aussi beaucoup d’autres applications que je vous invite à découvrir depuis le magasin d’applications Nextcloud.
Par défaut (outres les applications de gestion et de maintenance), les applications pré-installées sont les suivantes :
- Fichiers : la principale, celle qui vous servira le plus.
- Photos : les fonctionnalités de galerie, par exemple.
- Contacts et Calendar : vous pourrez synchroniser vos contacts (et même les partager) et vos agendas, par exemple depuis votre client de courrier électronique sur PC comme sur mobile. Voir ici pour Thunderbird et ici pour Android (là encore je vous conseille d’utiliser F-Droid pour installer DavX5).
- Notes : c’est une application permettant de partager et collaborer sur un document avec un traitement de texte basique (il sort du markdown). On y accède directement par exemple avec le client Android en ouvrant un fichier
.txtou.mdavec, on peut le partager, collaborer dessus, etc. Tout à fait fonctionnel pour écrire un document à plusieurs mains.
Prenons maintenant un exemple : partager un livre de recettes de cuisine. Il y a une application Nextcloud pour cela, qui se nomme Cookbook. Depuis l’interface d’administration, allez dans Applications et installez-la. De même depuis votre dispositif Android, installez l’application Nextcloud Cookbook. Et commencer à écrire et partager vos recettes de cuisine.
Vous avez compris le principe ? Ainsi vous avez une foules d’applications fort utiles et dont tous les comptes de l’instance pourront profiter. Mais ce n’est pas tout. Il existe d’autres fonctionnalités fort appréciables de Nextcloud :
- le cloud fédéré : c’est sans doute l’une des plus belles fonctionnalités. Il s’agit de pouvoir fédérer plusieurs instances Nextcloud pour pouvoir partager des dossiers et des fichiers directement dans chaque instance, comme si vous y étiez. C’est un réseaux d’instances. Si votre ami·e Camille dispose de plein de PDF et de vidéos et vous aimeriez pouvoir en profiter sans devoir configurer une adresse de partage sur laquelle il vous faudrait cliquer à chaque fois pour télécharger et remplir votre propre instance ? Fédérez simplement vos instances : ce que Camille stocke, il n’est peut-être nul besoin de le télécharger et de le stocker à son tour, allez le chercher directement dans le sac de Camille.
- Certains logiciels proposent une synchronisation directement faite pour Nextcloud : c’est le cas de logiciels comme Calibre (gestion de livres numérique) et Joplin (gestionnaire de connaissances et prises de notes). Synchroniser de cette manière vous permet de ne pas seulement disposer des fichiers, mais de les utiliser directement avec les différentes versions de ces logiciels sur différents supports (liseuse, mobile, tablette, PC). Ce n’est pas une fonctionnalité propre à Nextcloud,(ces mêmes logiciels proposent de synchroniser avec Gdrive comme bien d’autres), mais il fallait le signaler : Nextcloud a atteint depuis longtemps un degré de maturité tel qu’il est difficile d’imaginer le stockage distant autrement qu’en le comptant comme un service des plus courants.
Outre les logiciels installés par défaut, les logiciels figurant dans le top à installer sont(selon moi) les suivants :
- News (pour récupérer et synchroniser ses flux RSS sur mobile ou PC)
- Talk : pour la visio-conférence en petit comité
- Tasks : pour synchroniser ses tâches (mobile ou PC)
- Cookbook : partager ses recettes de cuisine
- GPXPod : partager ses traces GPS
- Phonetrack : suivre des positions GPS
- Forms: réaliser des petits questionnaires ou formulaires
- Polls: réaliser des sondages (notamment pour choisir des dates)
- Carnet: écrire et synchroniser de petites notes (mobile ou PC)
Conclusion
L’avantage d’avoir une instance complète Nextcloud est qu’on peut y intégrer les applications qu’on souhaite et faire ce qu’on veut avec. On peut considérer une telle instance comme une forme d’auto-hébergement : vous choisissez où sont stockés vos fichiers, vous gérer les accès et les comptes, vous gérez les applications disponibles. En revanche, vous déléguez au fournisseur la responsabilité de la maintenance de l’instance et la sécurité des données.
Pour un usage purement individuel, le compte n’y sera pas. Mieux vaut aller chez un des Chatons où vous pourrez bénéficier de multiples autres services pour moins cher, y compris en participant à une chaîne de solidarité et de confiance. Et si les membres de votre (petite) famille n’ont besoin que de quelques Go pour leurs fichiers, autant leur ouvrir des comptes individuels sur le même mode.
En revanche si vous avec besoin de plus d’espace, si vous utilisez un nom de domaine, si certaines applications vous manquent, et si vous désirez gérer une instance de A à Z, ce « semi » auto-hébergement vous contentera largement, pour votre famille ou un groupe plus large. Moins cher (en général) qu’un serveur dédié, cela demande aussi beaucoup moins d’efforts et de disponibilité. Les instances plus grosses chez Hetzner sauront, elles, contenter des plus grosses associations ou collectifs.
Il y a tout de même quelques inconvénients. Le premier d’entre eux est que vous ne pourrez pas disposer sur le même mode clés en main (à l’heure où j’écris ces lignes) d’une suite bureautique complète comme OnlyOffice ou Collabora. Les raisons sont expliquées ici. Pour faire tourner ces suites bureautiques en ligne sur une instance Nextcloud Storage Share, il vous faut un autre serveur vers lequel déporter les ressources nécessaires. Ce n’est donc pas impossible, et c’est peut-être même mieux de déporter ainsi l’usage des ressources.
Cela étant dit, ce n’est pas vraiment avec votre famille que vous aurez besoin de collaborer comme si vous étiez dans un milieu professionnel à vous échanger des diaporamas et des tableaux. Pour une petite asso, si le besoin consiste à écrire un document à plusieurs mains, le logiciel Notes fourni par défaut est amplement suffisant.
Pour terminer, un mot de vos responsabilités. Administrer une instance Nextcloud, c’est avoir un grand pouvoir (décider qui peut y accéder et sous quelles conditions), mais c’est aussi de grandes responsabilités. Que vous restiez dans un cadre familial ou que vous décidiez d’élargir votre « offre », sachez que c’est à vous revient la responsabilité de la sécurité des données. Si Hetzner à failli à ses propres responsabilités, il vous faudra le prouver. Si c’est un de vos utilisateurs, il faudra le prouver aussi. Quant à vous : ne vous engagez que ce pour quoi vous êtes capable de vous engager et déconseillez formellement de stocker quoi que ce soit de sensible. Enfin, conformez-vous au RGPD. Si vous agissez sous le mandat d’une association, que cela soit écrit quelque part, par exemple.
En somme, une telle instance clés en main vous permet de vous détacher des contraintes techniques tout en vous concentrant sur l’essentiel : quels sont les usages dont vous avez besoin et quelles sont les responsabilités (morales, juridiques, éthiques) associées.
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En fait, on ne dit plus « GAFAM ». Des termes comme MAMAA (Microsoft, Apple, Meta, Amazon, Alphabet) ont émergé, surtout avec le changement de nom de Facebook en Meta et les diverses acquisitions ou évolutions dans les géants technologiques. Mais certains préfèrent aussi des termes plus généraux comme Big Tech… ↩︎